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Alexandra Hamel

La direction artistique : quand l’histoire de l’art rencontre le marketing

Ce n’est pas facile d’expliquer le métier d’un directeur de création ou d’un directeur artistique (DA). Ce n’est pas facile non plus d’expliquer comment, à mes yeux, l’histoire de l’art et le marketing sont intrinsèquement liés, et que c’est ce qui fait notre force chez Storyline. Ce n’est pas donné à tout le monde d’exploiter cette sensibilité. Pourtant, personne ne reste indifférent à la force d’un univers réussi. C’est là que naît la magie.

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Enfant, je passais des heures à feuilleter des encyclopédies illustrées. J’observais chaque dessin, chaque univers thématique, et je les décortiquais pour mieux les comprendre.

Ma page préférée du Petit Larousse illustré, édition 1991, c’était celle qui montrant les costumes de l’Antiquité au XXᵉ siècle. J’étais fascinée par ce monde de styles et de codes qui change à chaque époque. C’est probablement cette curiosité qui m’a poussée plus tard à étudier en histoire de l’art.

direction artistique 1L’histoire des costumes, Larousse Illustré 

 

Le storytelling visuel

Durant mes études en Arts et en Muséologie, et lors de mon stage au musée de l’Orangerie de Paris et mes séminaires de maîtrise à l’École du Louvre, je me suis familiarisée avec les codes propres aux époques, aux courants artistiques et aux contextes sociaux ;  ils s’expriment par des choix vestimentaires, une composition d’image, une palette de couleurs, une posture, ou encore le traitement de la lumière, du flou, de la texture. J’ai appris à reconnaître un clair-obscur à la manière du Caravage, la symétrie de la Renaissance, les cadrages déstructurés du cubisme… J’ai compris comment, en un seul fragment visuel, on peut raconter une histoire.

Ces références visuelles activent en nous une lecture instinctive de l’image : elles nous permettent, souvent sans qu’on s’en rende compte, d’en saisir l’intention, d’en ressentir l’émotion et de la replacer dans une histoire plus vaste. Même sans avoir étudié l’histoire de l’art, on y a tous été exposés, que ce soit par les musées, les livres, les films, les campagnes publicitaires; ces codes font partie de notre mémoire collective. Chaque élément visuel raconte, à sa manière, une époque, une idée, une vision du monde. Tout est relié.

Mes études en arts ont rapidement bifurqué vers le monde des communications, de l’événementiel et du marketing. Mais encore aujourd’hui, quand je suis derrière la caméra avec nos équipes de photographes et vidéographes pour effectuer la direction artistique, j’ai en référence cette « bibliothèque d’images » qui reste mon guide. C’est elle qui oriente le choix d’une pose, l’intensité d’une ombre, la palette de couleurs en post-production.

 

direction artistique 2
L’extase de Saint-François, Caravage, 1597, Wadsworth Atheneum, Hartford, Connecticut, USA

 

Comme on scénographie une exposition dans un musée, j’aime construire des images qui parlent d’elles-mêmes et des marques qui racontent une histoire. Ce n’est pas un hasard si l’agence s’appelle Storyline. L’objectif est toujours de créer un storytelling visuel cohérent, de placer chaque marque au cœur d’un univers immédiatement identifiable.

 

Créer des «hero shots» inspirés des grands maîtres

Pour le récent shooting de la nouvelle gamme de soins pour la peau Bohem, on voulait que la marque évoque un mélange de force et de féminité. Les égéries choisies l’incarnent bien.

J’ai déniché un peignoir rouge fleuri en qui n’étais pas dans la garde-robe de la styliste, mais dans celle de la cliente. Le mouvement du satin et le motif imprimé aidaient à soutenir ce que je cherchais à créer visuellement.

 

direction artistique 3The soul of the rose, John William Waterhouse, 1908, collection privée

 

J’étais aux côtés de Philippe Mahn Nguyen, notre photographe sur le shoot, lorsque Robert Desroches (de chez Davai à la vidéo) a dirigé ma collègue Laury-Ann Dufour (une des égéries Bohem) sur les roches de la rivière Ouareau pour s’y allonger. L’image était là, prête à être capturée. On a profité d’un moment de pause vidéo pour aller immortaliser une vision préraphaélite : Laury-Ann en version moderne de l’Ophelie d’Hamlet peinte par John Everett Millais. On savait tout de suite qu’on avait un « hero shot ».

 

direction artistique 4Ophelia, John Everett Millais, 1851-52, Tate Britain, Londres 

 

Il y avait aussi cette posture d’Annie Sama, comme une héroïne romantique dans sa grande robe rouge-brun dénichée par la styliste Isabelle Gauvin ; cette dernière a fait un travail de choix de vêtements remarquable. Annie bouge tellement bien devant la caméra, on a exploité ça au maximum.

Mon rôle, c’est de sublimer les moments qui sont déjà magiques : ajuster la pose, diriger… C’est une étroite collaboration avec les photographes, qui détiennent toutes les connaissances techniques que je ne maîtrise pas.

 

direction artistique 5Gravure academiciste du XIXᵉ siècle, représentant une figure féminine en mouvement (une allégorie de la danse ou d’une nymphe) 

 

De la Grèce Antique à aujourd’hui

Sur une autre prise, j’ai vu surgir une scène qui m’a inspiré Artémis. Les vêtements choisis par Isabelle, le maquillage et la coiffure aidaient tous à raconter cette histoire. Annie Sama, au bord de l’eau, en incarnation moderne de la déesse grecque de la nature et de la chasse dans son élément. Tout dans cette scène – les vêtements, la lumière dorée du soleil couchant, le cadre de nature sauvage – témoigne de l’héritage ancestral de la marque et des origines grecques de ses créateurs.

direction artistique 6Diane, The Huntress (ou Artemis) Guillaume Seignac, XIXe siècle, collection inconnue.

 

Tout est dans tout, comme on dit. Il faut juste savoir relier subtilement les points entre l’art, l’histoire et les marques d’aujourd’hui.

Faire surgir l’émotion et créer des univers de marques uniques et marquants, c’est ça le métier de direction artistique.

Alexandra Hamel